La crèche blanche ou crèche du Saint Esprit

Depuis quelques années j’avais le projet de réaliser une « crèche blanche ». Je viens de terminer cette année la sculpture de la façade du temple et des 6 santons requis pour cette crèche. C’est l’occasion de parler de ce qu’est cette crèche tombée en désuétude, mais qui permettait de clôturer le cycle de Noël.

C’est le 2 février, jour de la Chandeleur, que l’on installe cette crèche qui ne reste en place que ce jour. C’est donc la crèche d’une seule journée ! Elle ne comporte généralement que 6 personnages : Joseph portant 2 colombes, Marie qui porte parfois (mais très rarement) une lampe à huile, Jésus, le Grand-prêtre, le vieillard Siméon et la prophétesse Anne. Elle représente l’épisode de la présentation au Temple raconté dans l’Evangile de Luc 2, 22-32. Il s’agit aussi de la purification de la Vierge selon la loi juive qui doit avoir lieu 40 jours après la naissance d’un garçon. Deux traditions s’affrontent au sujet du nom de « crèche blanche » : Elle porterait son nom du fait des deux colombes portées par Joseph. Mais une autre tradition est également bien ancrée puisque l’on recouvrait la crèche de Noël d’un drap blanc (d’où le nom) pour éviter d’avoir à la démonter rapidement la veille de la cérémonie. On installe ensuite un décor minimaliste qui n’est constitué que de la façade du Temple, parfois d’un trône, et les 6 personnages indiqués, auxquels s’ajoutent en de rares occasions des Lévites et des enfants de Chœur.

Cette tradition est restée assez vivace en Vaucluse, mais elle est déjà signalée à Tourves vers 1862. La façade du Temple, à Tourves, est d’ailleurs toujours utilisée de nos jours, en période de Noël.

Notons que depuis la réforme liturgique, la fin du temps de Noël n’est plus la Chandeleur, mais le Baptême du Seigneur le 8 janvier, car on considère que la présentation au Temple est plus liée à la Croix qu’à la Nativité (c’est le sens des paroles de Siméon à Marie). La crèche Blanche conserve quand même sa pertinence s’agissant de « l’Evangile de l’Enfance » et permet de lier le christianisme et le judaïsme dans la culture populaire.

Lors de la cérémonie du 2 février on organise des processions aux flambeaux dès le Vème siècle, c’est la festum candelorum, la fête des chandelles : d’où vient le mot Chandeleur. A cette époque quelques rites païens subsistent, comme celui de manger des galettes de céréales en l’honneur de Proserpine pour s’assurer une bonne germination des semailles en cours. C’est l’origine de nos crêpes.

Pour ce qui est des santons présents, notons quelques détails symboliques que nos anciens savaient bien décoder, mais qu’il n’est pas inutile de rappeler aujourd’hui :

Joseph porte deux colombes car c’est l’offrande prescrite pas la Loi Juive pour les pauvres gens, ce qui laisse supposer que la Sainte Famille ne roulait pas sur l’or… Les colombes sont blanches car c’est le symbole de la pureté. C’est au père de famille de faire l’offrande, c’est pourquoi c’est Joseph qui les porte.

Marie ne porte pas toujours l’enfant Jésus dans ses bras qu’on préfère souvent faire porter par Siméon. Celui-ci représente le peuple d’Israël qui accueille le sauveur et l’accepte comme son Salut. C’est le sens des paroles de Siméon dans l’Evangile : « maintenant ô Maitre souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller dans la Paix, car mes yeux ont vu le Salut que tu préparais à la face des peuples. ». J’ai choisi de faire porter une lampe à Marie pour symboliser le fait qu’elle a apporté la Lumière au monde.

Enfin le costume du grand prêtre est lui aussi très symbolique : il est pieds nus car l’Exode dit : « Quitte tes sandales, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte » (Ex3,5) . Son pectoral comporte 12 pierres précieuses représentant les 12 tribus d’Israël, c’est à dire l’ensemble des Nations selon la tradition catholique. Il porte un ephod (sorte de tunique courte) qui permet d’expier les péchés du peuple. Il porte en bas de sa tunique 72 clochettes dont le tintement rappelle au prêtre qu’il est soumis à Dieu car selon le protocole on ne devait pas se présenter devant le Roi de manière inopiné.

L’ensemble de ce costume est détaillé dans Exode 28 et 39 et Lévitique 8.

La place manque pour tout dire de cette tradition, mais j’espère que cet article assez long vous aura donné envie de réhabiliter la crèche blanche dans vos maisons.

Vous pouvez retrouver tous les santons sur ce site, la façade du temple n’est vendue pour l’instant qu’à mon atelier à Tourves.